« Récupération de territoires traditionnels »

dans la province de Rio Negro, Patagonie argentine

 

 

 

Résumé des premiers contacts avec le partenaire (« Conseil Assesseur Indigène »-CAI) sur le terrain, avant l’acceptation du projet, et aperçu de la situation actuelle

  • Moyens de transport
    Un des facteurs qui frappe en premier en voyageant entre les communautés membres du Conseil Assesseur Indigène est l’immense étendue en kilomètres qui les séparent. On peut imaginer les inconvénients à l’heure de se rassembler. Il ne s’agit pas seulement de la distance, qui ne surprend pas au vu des dimensions de la Patagonie argentine, mais aussi de l’état des routes et des moyens de transport (les transports publics sont presque inexistants pour certaines régions isolées ou bien très rares pour d’autres.)Dans ce sens, les moyens du CAI sont très limités. Des chemins rocailleux, impraticables par mauvais temps, requièrent des voitures solides et bien équipées. (nous avons eu un accident dû à l’état de la route).Le camion qu’ils se sont acheté avec l’argent donné par le MCI leur apporte une grande aide. Il se trouve sur le territoire autour de Jacobaci et sert à des activités multiples, depuis le transport de personnes et nourriture pour les assemblées, réunions et ateliers, jusqu’aux transports de matériels de construction et du bétail pour les installations des familles sur leurs terrains. C’est avec lui qu’on nous a dépanné.D’autre part, si besoin est, on se sert des voitures des membres, lesquelles sont dans un état si précaire qu’on se demande comment elles peuvent rouler. L’esprit de débrouille sert à s’en sortir. J’ai vu réparer un moteur après qu’il ait été complètement démonté en pleine campagne. Pour des distances courtes, on utilise le cheval ou bien on pratique l’auto-stop.

 

  • Locaux
    Mis à part le centre de Jacobaci qui leur appartient, les lieux où les gens se rencontrent dans d’autres points de liaison sont les domiciles mêmes des membres, fort sympathiques pour l’ambiance familiale mais avec les problèmes d’organisation que l’on peut imaginer. D’ailleurs, les logements à la campagne sont très précaires et avec un minimum de commodités, compensé par l’accueil chaleureux des gens, qui partagent tout de suite le peu qu’ils ont.À la ville de El Bolson, ils avaient loué une habitation pour pouvoir fonctionner pendant l’été, saison propice aux déplacements. À Jacobaci, bien que leur bâtiment soit bien conçu (aux normes écologiques), des améliorations doivent êtres faites pour élargir le salon afin de pouvoir recevoir plus de monde pendant les réunions importantes, comme ce fût le cas lors du stage avec les universitaires de Córdoba, cet été.

 

  • Moyens de communication
     Le moyen de communication dans les villes est le téléphone. Toutefois, en Argentine le prix des communications depuis un téléphone privé est tellement élevé que les gens doivent utiliser les « locutorios » (bureaux de téléphone public), un peu moins chers mais pas pratiques. Aucun des centres de liaison ne possède un ordinateur : ils ne sont donc pas raccordés à Internet. Les membres du CAI sont obligés d’utiliser les cafés cybernétiques, inexistants dans les petits villages et très onéreux ailleurs. En outre, les connections sont très lentes : à Jacobaci, j’ai passé longtemps pour envoyer de simples fichiers.À la campagne, malgré le manque d’infrastructures, les nouvelles circulent par l’intermédiaire des gens qui voyagent par divers moyens pour leurs propres besoins (entre autre l’auto-stop : nous prenions souvent des gens qui attendaient patiemment … en pleine campagne, au milieu de nulle part). Comme j’ai eu l’occasion de le constater, les différentes communautés arrivent à se tenir au courant de leurs problèmes réciproques.La communication à travers la radio locale est très répandue et utilisée dans la campagne. Deux fois par jour lors d’une des émissions les gens font les annonces les plus variées, aux membres de la famille ou à leurs connaissances éloignées. Par exemple, par ce moyen ils se donnent rendez-vous à un croisement de routes, ou encore demandent de l’aide pour des dépannages, donnent des leurs nouvelles, appellent leurs médecins, etc.

 

  • Rayonnement du Mouvement
    La conscience politique des dirigeants Mapuche du CAI est remarquable. Ils sont largement informés de ce qui se passe dans la vie politique à tous les niveaux et très lucides par rapport aux conséquences sur leur propre situation (j’avais de la pudeur pour filmer lors des rencontres, et je le regrette !).Ils sont en relation avec d’autres mouvements et réalisent des activités et des visites conjointes, souvent inter-provinciales. Pendant mon séjour, un groupe d’universitaires de la province de Córdoba (distante d’environ 800 kms) est venu suivre un atelier à Jacobaci. D’autre part, le dirigeant principal du CAI a été invité dans la province de Salta, au mois de février à une réunion de travail du centre d’études d’extension universitaire de l’Université de Buenos-Aires sur les peuples indigènes.

 

  • Solidarité
    J’ai eu l’occasion de constater la grande solidarité qui existe dans le mouvement, ceci à plusieurs reprises et notamment lors de l’accident que nous avons eu. Un des membres a consacré deux journées afin de nous dépanner, mettant de côte ses propres obligations. Cette solidarité se manifeste entre eux à titre personnel ou bien pour des tâches propres à l’organisation.

 

  • Démarches administratives et légales
    L’administration publique auprès de laquelle les démarches administratives doivent se faire reste peu collaboratrice, même si au cours de cette dernière année l’exigence de transparence de la part de l’Etat a fait un petit peu bouger les choses. La jurisprudence étant provinciale pour les démarches légales, on continue à souffrir des privilèges et de la connivence de l’administration avec les grands propriétaires. La même remarque est valable à propos de la police.À Viedma, en suivant l’avocate du mouvement à la recherche d’un dossier administratif disparu, j’ai eu l’occasion de voir à quel point la patience et le temps sont nécessaires pour pouvoir obtenir des informations.

Même si mon voyage a été réalisé à titre personnel, puisque l’approbation du projet n’était pas encore assurée, je suis ravie de l’avoir fait, de rencontrer les Mapuche et de me faire connaître en vue d’une coopération ultérieure.

L’approche s’est avérée facile (du fait sûrement que j’étais avec des gens d’Accesos), l’accueil chaleureux et la sympathie mutuelle.

Genève le 20 mars 2004