Un écho du 4ème Forum Social Mondial (FSM)

 

Du 16 au 21 janvier 2004, la ville indienne de Mumbai a été le lieu de rencontre du quatrième Forum Social Mondial. Notre ami Marcos Arruda qui estengagé dans les réseaux d’économie solidaire et qui a participé aux précédentes éditions de Porto Alegre du FSM nous livre ses impressions.

Un FSM plus populaire qu’intellectuel

Le FSM s’est beaucoup enrichi à Mumbai en permettant à des nombreuses organisations asiatiques et des représentants du peuple indien de participer aux manifestations et aux débats qui ont marqué le Forum.
Tous les jours, des milliers de manifestants de différents pays, dans une multitude de couleurs, de façons de s’habiller et de langues, ont marché dans les rues empoussiérées du FSM 04, dans la ville littorale de Mumbai. Ici était active une grande entreprise dont les hangars abandonnés ont été réformés pour accueillir près de 150’000 personnes qui sont venues participer au Forum.

L’ouverture a attiré une grande foule au parc donnant sur le coucher du soleil où étaient installés une scène et un système de son et vidéo. Le sol était complètement tapissé de sacs pour permettre aux présents d’assister au spectacle musical et aux discours assis par terre.

Plusieurs personnes sont intervenues pendant la cérémonie d’ouverture, dont le leader algérien Ahmed Ben Bella, la jeune écrivaine indienne Arundati Roy et le brésilien Chico Whitaker. Les intervenants indiens ont eu la délicatesse de s’exprimer en hindi et garantir ensuite une traduction en anglais. Le discours de Chico a été résumé en hindi par l’animatrice indienne.

Les rues du FSM étaient envahies du matin au soir, par des japonais et des coréens marchant contre la globalisation néolibérale, des femmes indiennes pour les droits de la femme, des moines bouddhistes tibétains pour la Paix au Tibet et la libération des moines emprisonnés par l’Armée Chinoise, des travailleurs du secteur informel pour le droit à un travail digne, des Dalits (la caste des Intouchables) contre leur condition inhumaine de collecteurs de déchets humains (scavengers) en échange d’un salaire misérable, de fonctionnaires publiques contre la privatisation et le chômage, des handicapés, des groupes tribaux, ….

Le FSM 04 s’est caractérisé beaucoup plus par la protestation, la fête, le bonheur et la communication que par les débats sur les thèmes prioritaires pour la société humaine mondiale. Les problèmes locaux demeurent la priorité pour la population. Pour que des problèmes tels que celui de l’eau, de la terre et de l’alimentation soient résolus, il est nécessaire que les peuples s’unissent et luttent contre leurs propres oppresseurs, aujourd’hui globalisés, ainsi que pour une économie contrôlée par les travailleurs et au service des besoins humains.

Les conférences et les séminaires se sont déroulés dans des grandes salles ayant une capacité de 4’000 à 10’000 places. Cependant les participants ont préféré manifester dans les rues plutôt qu’écouter les intervenants. Près de 150’000 personnes étaient présentes au Forum de Mumbai.
La Conférence “ Terre, Eau et Souveraineté alimentaire ” a été suivie par quelques milliers de personnes. Il s’agit des sujets les plus dramatiques pour plus d’un milliard d’indiens.

Les thèmes de l’économie populaire et solidaire ont attiré des gens des Amériques, d’Europe et d’Afrique mais uniquement les indiens déjà actifs dans des activités liées au commerce équitable, à la production coopérative, au micro-crédit solidaire, à l’agriculture familiale et au développement local participatif et durable. Les présentations des débats ont été de très bonne qualité et ont progressé par rapport à celles de 2002.

Dans le cadre d’un séminaire sur l’économie populaire et solidaire en Asie traitant des expériences en Inde, Thaïlande et Pakistan, nous avons pu confronter des pratiques du Brésil, du Québec et de la France. Nous avons promu plus de 100 activités concernant le commerce équitable.
Si en 2003 nous avions à Porto Alegre 19 réseaux d’économie solidaire organisant des activités, a Mumbai nous avons eu 47 réseaux et entités articulées impliqués dans l’organisation d’activités. Dans l’ensemble, nous estimons avoir atteint 8’000 personnes.

Les débats organisés par le Jubilé Sud et les différents réseaux nationaux et internationaux au sujet de la dette, le commerce international et les agences multilatérales ont été annoncés par des banderoles accrochées aux arbres dans l’enceinte du Forum. La proposition d’un Tribunal sur les dettes financières et la dette écologique a été lancée pour 2005. Les campagnes contre la NAFTA, l’ALCA, le CAFTA, l’accord africain et les accords bilatéraux néolibéraux ont été l’objet de débats vigoureux.

Les médias indiens ont couvert l’évènement de manière significative notamment en organisant des débats avec les participants les plus connus. Au plan international, par contre, la couverture a été limitée, non sans préjugés, peu attentive à la richesse des débats et des propositions et bien inférieure à l’attention avec laquelle a été inauguré le Forum Economique Mondial (WEF), de Davos, en Suisse, réalisé une semaine après le FSM.