DEUX MOIS DE VIOLENCES A TIMOR LESTE..
par Olivier Langoisseux, Baucau le 25 mai 2006.
Rappel : Olivier Langoisseux ex civiliste et membre du M C I est parti au Timor en septembre 2003 en lien avec A.S.T.O (Association de Solidarité avec le Timor Oriental) et le Centre Lebret. L’Asto et le Centre Lebret font partie du réseau MCI. Le rôle d’Olivier est d’accompagner des petites équipes de timorais dans des mini projets de développement.Le MCI a donné régulièrement de ses nouvelles sur notre site.
Mi-mars, 594 soldats (soit le 1/3 des effectifs de l’armée) ont été révoqués de l’armée, après s’être plaints d’avoir fait l’objet de discrimination de la part d’un haut gradé de l’armée. Celui-ci aurait affirmé en janvier-février que les soldats de l’ouest du Timor Leste étaient moins combatifs et moins bien organisés que ceux de l’est, et qu’il en était déjà ainsi lors de la lutte contre l’Indonésie. Cette affirmation, lue et interprétée par beaucoup comme une « différenciation ethnique », n’aurait été ni confirmée, ni démentie par aucune autorité.
Du 24 au 27 avril, ces 594 militaires manifestent pacifiquement à Dili, accompagnés de leur famille et de sympathisants, soit 1000 à 2000 personnes.
Mais le 28 avril, les manifestants, 1000 environ, des jeunes et quelques éléments politisés, et non les 594 ex-militaires, ont attaqué le siège du gouvernement causant des dégâts matériels. Par ailleurs, des voitures, des magasins et des maisons ont subi des dommages…..
… Au soir du 28 avril, on a recensé 5 morts et 30 blessés, dont 4 policiers…Des rumeurs faisaient état de chiffres plus importants, mais sans fondement. . 100 personnes ont été arrêtées le 30 avril…
…Un nombre important d’habitants de Dili ont quitté la ville, craignant que se renouvellent les violences de 1999 et se sont réfugiés en montagne, dans les églises, des bâtiments publics et même au Timor occidental (609 personnes auraient déjà franchi la frontière depuis le début des émeutes à Dili).
Le président Xanana Gusmao, le premier Ministre Mari Alkatiri et le Ministre des Affaires étrangères José Ramos Horta ont tenu à rassurer les timorais et leur ont demandé de retourner au travail.
La situation revient au calme, malgré une manifestation de centaines de jeunes le 8 mai à Gleno, pendant la visite de Egidio de Jesus, Secrétaire d’état pour la coordination de la région de Dili, Aïleu et Ermera, qui fut réprimée par la police…
Les 11 et 12 mai, José Ramos Horta, s’est rendu à Aileu et a visité le quartier général de la police du district et a loué leur prudence et leur modération dans les circonstances difficiles. … José Ramos Horta les a informés qu’il avait écrit à la Commission des droits de l’homme à Genève, l’invitant à envoyer des enquêteurs à Dili. Lors de son discours au Conseil de sécurité de l’ONU le 5 mai, José Ramos Horta a réitéré la demande du Président Gusmao, du premier ministre Alkatiri et de lui-même de maintenir à Timor une forte force de police internationale pendant toute la période jusqu’aux élections nationales ( présidentielles et parlementaires) qui doivent se tenir avant le 20 mai 2007, car la police nationale n’a pas encore atteint sa maturité et n’a pas assez de professionnalismes pour résister pleinement aux influences des partis politiques.
Depuis la deuxième moitié du mois de mai, la situation qui ne ne s’etait pas vraiment calmée à Dili, s’est particulièrement aggravée le 25 mai……….Un cessez-le-feu négocié par les conseillers militaires et la police des Nations-Unies est ensuite intervenu, mais les militaires gouvernementaux ont ouvert le feu, sur le cortège de policiers désarmés évacués du bâtiment. Bilan : 9 morts et 27 blessés parmi ces derniers. Des tirs ont eu lieu également dans les quartiers sud de la capitale, avec de nombreuses maisons pillées et incendiées. Des civils armés dont beaucoup de jeunes se sont joints aux manifestants. Par contre, à Baucau et dans l’est du pays, la situation reste calme, malgré certaines agressions. …
A la demande des autorités timoraises, le 25 mai, 150 militaires australiens ont débarqué à l’aéroport de Dili pour rétablir l’ordre et ont été bien accueillis par la population timoraise…..
D’autres militaires vont arriver de Malaisie, de Nouvelle-Zélande, du Portugal d’Australie, et constituer une force militaire et policière internationale approuvée par l’ONU. Kofi Annan a désigné Ian Martin comme son envoyé spécial à Timor.
Tous les soldats ont regagné leurs casernes, la sécurité étant assurée par les militaires australiens, les soldats rebelles commencent à rendre leurs armes.
Les timorais qui ont quitté Dili et qui se sont réfugiés, en particulier chez les religieuses canossiennes de Balide (8000 en cet endroit) et de même au collège Don Bosco manquent de nourriture et d’eau potable, ce qui entraîne des conflits violents…… Le manque de nourriture a entraîné le pillage d’un local du programme alimentaire mondial à Dili…………….
Les expatriés civils du Portugal, de l’Australie, de Chine, de France et d’ailleurs sont « invités » à quitter le pays. en convoi militaire,vers l’aéroport .
Darwin en Australie est surchargé de réfugiés. Les médias parlent de 105 000 Timorais déplacés, dont 3000 femmes enceintes, 70 000 dans des camps de fortune à Dili et 35 000 hors de la capitale dans des conditions précaires. 2300 militaires étrangers interviennent pour tenter de maintenir l’ordre. Mais les solutions ne sont pas que militaires….
Un remaniement ministériel est intervenu Lors des violences, selon des informations de presse, des pilleurs ont volé les archives criminelles de l’Etat Est-Timorais, parmi lesquelles tous les dossiers concernant les massacres commis dans le pays après le référendum sur l’indépendance en 1999. A l’époque, le « oui » massif avait été contesté par les milices soutenues par Djakarta. Plus de 1400 personnes avaient été tuées. » Les documents de 1999 ont été détruits à 99% ou sont perdus. Or, ils sont la preuve principale qui peut être utilisée afin de poursuivre une personne devant les tribunaux », a expliqué le procureur général.
Le dossier concernant le général Wiranto, responsable des forces armées indonésiennes à l’époque des massacres, a notamment été volé.
Le 3 juin le calme semble revenir à Dili…… Des convois de nourriture arrivent par avion de Macao et par les réseaux onusiens basés à Genève. ……Quant à la situation humanitaire, elle frise la catastrophe. ……
PS Olivier Langoisseux » représentant de l’ASTO vient à regret de quitter Baucau pour l’aéroport de Dili, en convoi militaire, pour séjourner à Bali en attendant quelques semaines de pouvoir retourner si possible. (Christiane Escher)
Les 120 policiers portugais de la Garde Nationale Républicaine(GNR) ont atterri à Baucau et ont été acclamés par la population de Baucau et de Manatuto jusqu’à leur arrivée à Dili le 3 juin. Les australiens souhaitaient assurer le commandement de toutes les troupes de sécurité, mais les portugais seront le lien entre les 3 autres forces internationales de défense et de sécurité déjà présentes au Timor Oriental. Ce rôle a été décidé lors d’une réunion entre les autorités timoraises et les responsables des 4 groupes concernés, Portugal, Malaisie, Australie et Nouvelle Zélande, suivie par une rencontre bilatérale entre le ministre des Affaires étrangères J R Horta et l’ambassadeur portugais à Dili. ……..
Le 6 juin, une manifestation, encadrée par les militaires étrangers et conduite par le major Alves Tara, un des responsables des militaires rebelles, s’est déroulée pacifiquement dans les rues de Dili. ….
Un document intitulé « Exigence politique » a été remis au Président Xanana, demandant la dissolution immédiate du Parlement national et la démission du gouvernement de Mari Alkatiri. Ce document exige la formation d’un gouvernement de transition et une administration provisoire pour préparer les élections anticipées dans les 6 mois, sous le leadership du Président de la République …… Le premier ministre a accepté la tenue d’une enquête onusienne sur les violences….. …….. Ian Martin, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a déclaré que : « L’ONU jouera un rôle plus important que prévu que celui qui avait été envisagé lors des débats au Conseil de Sécurité avant la crise ».clamés par la population de Baucau et de Manatuto jusqu’à leur arrivée à Dili le 3 juin. Les australiens souhaitaient assurer le commandement de toutes les troupes de sécurité, mais les portugais seront le lien entre les 3 autres forces internationales de défense et de sécurité déjà présentes au Timor Oriental. Ce rôle a été décidé lors d’une réunion entre les
Une crise aussi violente après 4 ans d’indépendance. Pourquoi ? Les divisions ethniques depuis toujours entre l’Ouest et l’extrême est, pas de travail, pas de nourriture, pas d’argent, la pauvreté écrasante face à la richesse éclaboussante de nouveaux riches. Les maladresses évidentes d’un Premier ministre mal aimé, aux méthodes quelque peu autoritaires, du style de certains leaders africains, jusqu’à se faire réélire pour 5 ans à main levée à la tête du Fretilin, un an avant les élections présidentielles et législatives. Et peut-être quelques influences étrangères mécontentes des négociations pour exploiter le « futur pétrole » etc.. Autant de causes, et certainement d’autres que les jeunes forces timoraises de sécurité ne pouvaient contenir. Le retour de l’ONU y suffira-t-il ?
PS Olivier Langoisseux est retourné à Baucau le 8 juin 2006. D’autres nouvelles suivront sous peu Extraits d’un article publié dans la revue « Timor Informations » de A S T O (avec leur autorisation) (Christiane Escher)